
Réflexions...
et méditations
Ce dimanche
2 avril 2000, des moutons (2000) ont débarqué à la
Rotonde, encadrés par leurs bergers et leurs chiens, et se sont
promenés sur le boulevard du Roi René, le haut du Cours
Mirabeau dans le but bien précis d'attirer l'attention sur le prédateur
qu'est le loup dans les alpages pendant les mois d'été.
Mais
revenons à nos moutons, ceux d'antan qui, à la transhumance,
traversaient notre bonne ville d'Aix, réveillant la population
par leurs sonnailles et allant se désaltérer dans les fontaines
du Cours Mirabeau ou du Cours Sextius.
Ces fontaines
étaient à leur hauteur, équipées de margelles
basses, nous les appellerions aujourd'hui "fonctionnelle". D'ailleurs,
les vieilles cartes postales d'Aix montrent chevaux, ânes, moutons
s'y désaltérant, à côté de ménagères
en tablier blanc qui venaient y puiser de l'eau.
Tout
ceci pour dire que les dites fontaines étaient simples, à
la portée de tous, hommes et animaux ; et si elles se sont révélées
artistiques c'est au talent et au bon sens de leurs sculpteurs qu'elles
le doivent ; loin de leur pensée d'en faire des fontaines luxueuses,
des oeuvres de collection. C'est bien leur simplicité, leurs proportions,
leur adaptation très précise à leur fonction (qui
est justement l'une des caractéristiques de l'oeuvre d'art) qui
en a fait des petits chefs d'oeuvre, élevées de nos jours
au titre de "Monuments Historiques".
Comment
vont-elles se retrouver dans ce XXe siècle bouleversant ?
Celles
du Cours Mirabeau se sentiront mal à l'aise, certes à la
même place, puisqu'il a été imposé au concepteur
du Nouveau Cours de les y laisser, mais dans un environnement bien différent
de la large planéité qui les entourait ; elles vont devenir
les butoirs d'un couloir central circulant, large de 6 mètres,
enfoncé de 24 cm, juchées sur un piédestal lumineux
de lanternes...
L'attrait
du Cours c'était et ce doit être toujours (1) une heureuse
harmonie de proportion et de simplicité, celle qui n'est pas tapageuse
ou m'as-tu-vu dans son élégance, en un mot l'harmonie "l'authentique"
qui a présidé à l'édification du Cours.
Mais
ce charme qui en découle, est-il apprécié de tous,
et n'est-il pas réservé à ceux qu'on appellerait
volontiers des dinosaures d'un autre temps ?
Lucienne RAYMOND
(Protection des Demeures Anciennes et Paysages Aixois),
dans Le Courrier d'Aix du 8 avril 2000.
(1) Arrêté
ministériel du 17 décembre 1964 créant sur le territoire
de la ville d'Aix-en-Provence un secteur sauvegardé en vue de la
protection de son caractère historique et esthétique.
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