Vivre
à Aix au Moyen-Age
Conférence
- André BAILLY - Mai 2005
A partir de la fin de l'Empire romain et pendant sept siècles on
ne sait à peu près rien de la ville dont les archives ont
été détruites. C'est la période des grandes
invasions et sans doute y a-t-il eu des massacres, des destructions, des
épidémies. Mais Aix ne disparaît pas et on peut reconstituer
la situation à partir du XIIème siècle.
L'extension au cours des siècles
Deux unités sont accolées au XIIème siècle.
Le Bourg Saint Sauveur, administré par le chapitre de la cathédrale
(l'Archevêque réside alors dans la ville des Tours, à
l'ouest d'Aix) et la Ville comtale où se sont installés
les Comtes de Barcelone devenus les gouverneurs de la Provence. Ils ont
édifié un palais-forteresse autour du mausolée et
des deux tours qui encadraient le départ de la voie aurélienne.
Au nord, les constructions ont rejoint la limite du Bourg Saint Sauveur.
Pour la sécurité, ces agglomérations sont fermées
sur elles-mêmes sans qu'il existe de remparts. Les maisons de la
périphérie, jointives au mur extérieur épais
et aveugle, constituent une barrière, au moins contre les bandes
de pillards. Il existe quelques portes, gardées et fermées
la nuit. Le porche de la base de la Tour de l'Horloge est la porte Nord
de la ville comtale ; en face restent des vestiges de la porte Sud du
Bourg Saint Sauveur.
La ville s'agrandit au XIIIème siècle en direction de l'ouest
(quartier des Tanneurs). Les malheurs du XIVème siècle (épidémies,
disette, menaces et bandes armées du Seigneur des Baux) conduisent
à la construction de véritables remparts au nord et à
l'ouest englobant de nouveaux espaces (quartier des Thermes). On complètera
l'enceinte à l'est au XVème siècle, siècle
du Roi René, en annexant le faubourg Bellegarde. Cette extension
crée aussi la Place des Prêcheurs qui sera, à l'intérieur
de la ville, un lieu de promenade, de procession et d'exécution.
Au début du XVIème siècle, quand commence la Renaissance,
la ville d'Aix a la structure moyennageuse représentée par
la gravure de Belleforest (1575). Son canevas de rues n'a pas changé
depuis.
La vie en ville
Dans les quartiers les plus anciens (Bourg Saint Sauveur), on retrouve
des traces de l'habitat : maisons étroites (façades de 2
cannes, soit 4 mètres) s'enfonçant à l'intérieur
de l'ilôt. La pièce du rez-de-chaussée sur la rue
peut être un atelier, une échoppe ou une remise. Un couloir
mène à un escalier à vis, en bordure d'un puits de
lumière ouvert sous le toit. Une pièce à l'arrière,
donnant sur une cour, sera une écurie, un cellier ou une cuisine.
Il y a deux ou trois étages ; la pièce sur rue au premier
est la salle commune, la seule chauffée.
On va chercher l'eau à la fontaine (fournie aussi par des porteurs
d'eau). Dans la partie nord de la ville, la nappe phréatique proche
permet de creuser des puits. Les eaux usées s'écoulent dans
la rue en direction du bas de la ville (futur quartier Mazarin). Les déchets
sont plus ou moins évacués. Des paysans peuvent passer en
particuler s'il y a le fumier des bêtes de trait. On se débarasse,
bien que ce soit interdit, dans le fossé des remparts. Les commodités
sont sous les toits. Le soleil et le mistral doivent réduire les
nuisances. Aix, comme toutes les villes, est nauséabonde.
Les conditions d'hygiène plus que douteuses entraînent des
épidémies, de peste en particulier. Il y a des maisons hospitalières,
agréées mais très rudimentaires qui accueillent des
malades, des pauvres, dont les soins se résument à des tisanes
et des pommades, et qui sont des mouroirs.
Population et activités
Au début du XIIIème siècle, Aix devait compter 15.000
habitants ; on en sera à la moitié cent ans plus tard suite
aux épidémies, aux troubles de la fin du XIVème siècle
et à la disette liée à la perte de main d'oeuvre.
Aix se rétablit au XVème siècle ; les terres sont
remises en culture, les notables de la ville acquièrent des terres
et achètent des titres de noblesse. Ils installent des fermiers
et se ménagent une résidence pour les moments difficiles
(épidémies, chaleurs d'été) ; c'est le début
des bastides.
On élève des moutons ; revenus de la transhumance ils donnent
de l'ouvrage aux cardeurs et aux tanneurs qui sont en relation commerciale
avec l'Italie et les pays du Nord.
Aix est un centre intellectuel, avec juristes, avocats, notaires. L'Université
est créée en 1409, ony enseigne le droit et la théologie.
Aix est la capitale de la Provence. Des nobles viennent à la Cour
du Gouverneur, des gens de justice viennent dans les services, des ecclésiastiques
viennent à l'Archevêché.
Il y a aussi des artisans et des paysans dont les champs commencent au-delà
des remparts.
Les autorités
Le Gouverneur administre la province (rattachée alors au Saint
Empire romain germanique). Le Palais comtal abrite la Cour, les conseillers,
les intendants. La sécurité extérieure, la justice,
la réglementation des marchés, la perception des impôts
sont les fonctions de cette administration.
A la fin du XIIIème siècle est créée une administration
de la ville. Des notables choisissent des Consuls qui s'installent à
la maison communale, au pied de la Tour de l'Horloge. Ils sont chargés
d'assurer l'entretien de la ville et des chemins locaux, la perception
de l'octroi et la garde aux portes, et d'établir des réglementations
d'hygiène en particulier en cas d'épidémies.
Il s'ajoute un pouvoir spirituel, celui de l'Eglise, qui est partout.
Elle est chargée de l'état civil et tient les registres
sacerdotaux. Elle enseigne dans les écoles, dirige la maîtrise
de la cathédrale, intervient à l'Université. A côté
du clergé séculier, beaucoup d'ordres religieux donnent
un enseignement dans les couvents.
L'Eglise veille à l'observation des règles de pratique religieuse.
Cela crée une atmosphère de contrainte : si l'on n'est pas
avec Dieu, on est avec le Diable. On reste dans l'angoisse de l'An 1000
où s'est répandue l'idée de la fin du monde et la
venue des terreurs de l'Apocalypse. Au XIIème siècle, on
a inventé le Purgatoire, un lieu où les "pas tout à
fait bons", qui ne méritent pas l'Enfer, auront un temps d'épreuves
avant une purification totale. Aux vivants, par leurs prières ou
leurs actions, d'abréger ce temps pour leurs défunts.
A cette époque aussi des individus qui ont un comportement inhabituel
seront soupçonnés de faire commerce avec le Diable. Ce sont
des sorciers, ils méritent le bûcher.
Les confréries et les fêtes
Au XIVème siècle apparaissent des associations professionnelles,
que le clergé autorise mais dont il n'est pas l'animateur. Ce sont
les confréries, de métier en général (à
distinguer des confréries de pénitents qui n'existeront
qu'à partir du XVIème siècle). Il y a la confrérie
des fourniers (boulangers), des savetiers, des tisserands, des fabres.
Elles recueillent des aumônes et surtout accompagnent les cortèges
funèbres en rehaussant les cérémonies par la présence
d'un luminaire important. Chacune célèbre sa fête
patronale avec messe et procession dans la ville.
En dehors des dimanches, soixante jours fériés sont consacrés
à la fête des saints patrons, Ste Barbe, St Eloi, St Michel.
On connaît mieux le calendrier des saints que celui des jours.
Le Roi René institue les Jeux de la Fête-Dieu.
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