Parmi les projets bien avancés présentés publiquement lors de la réunion du dernier Comité Consultatif, figurait le futur éclairage du Cours Mirabeau. A vrai dire, le terme d'éclairage a été remplacé par celui, beaucoup plus chic, de "mise en lumière", locution à la mode, témoin parmi bien d'autres de l'inflation du vocabulaire marquant, chez nous, la fin de notre siècle. Ce que l'on nous annonce serait fait d'une part d'un éclairage assez doux venu de lampadaires bas, placés entre les rangées de platanes les plus proches des immeubles, complété par un autre plus vigoureux éclairant la double voie centrale acheminant les véhicules, de façon que cette lumière corresponde, nous a-t-on dit, aux normes actuelles. On aura donc un contraste visuel, où l'on jouera sur l'équilibre des intensités lumineuses, et particulièrement sur celles provenant des lampadaires bas. Leur luminosité adaptée, nuancée, modulable, susceptible d'aider à détacher un élément architectural ou au contraire à en souligner la continuité, ou encore d'illuminer le feuillage des platanes, ne peut que séduire.

Là où ça se gâte, c'est lorsqu'on examine ce qui a été prévu pour distribuer la lumière centrale, beaucoup plus haute. M. Grumbach, l'architecte chargé de la "requalification" du Cours, a prévu comme source lumineuse quelque vingt-cinq lanternes accrochées chacune à un câble tendu en travers du Cours, entre deux mats hauts de dix mètres disposés entre les platanes de la seconde rangée, là où sont actuellement les lampadaires condamnés à disparaître. M. Grumbach nous dit que les câbles auxquels pendront des lanternes seront "arachnéens". Ce recours à la ténuité du fil des aranéides évoque pour les adversaires de ce système une tout autre image, celle d'une espèce de toile d'araignée formant un plan horizontal au bas de la voûte végétale, visible en perspective, le jour, sur toute le longueur du Cours. Le groupe de travail formé par l'Académie d'Aix, le CIQ Mazarin et l'Association pour la protection des demeures anciennes et paysages d'Aix, a préconisé une autre solution, l'emploi des mêmes mats recourbés en crosse, dont le haut en arc de cercle épouserait grosso modo la courbure de la voûte végétale qui demeurerait ainsi dégagée, telle qu'elle est aujourd'hui. Les lanternes accrochées à un câble sont un non-sens esthétique, un parti pris passéiste, maladroit et inutile. La suggestion des mats en crosse a été rejetée. Cette solution serait-elle plus compliquée ou plus coûteuse ? Pas du tout. La raison de ce rejet c'est que M. Grumbach ne supporte pas (c'est son expression) les mats en crosse qui évoquent pour lui, nous dit-il, l'éclairage des autoroutes...

Il paraît donc utile de faire bien comprendre à nos concitoyens et aux futurs touristes que l'espèce de toile d'araignée retenue, bon gré mal gré par nos élus, succession de câbles tendus en travers du Cours au niveau où se développent les branches charpentières des platanes, aura eu pour seule et unique raison d'être une étrange allergie de l'architecte chargé de l'aménagement du Cours, qui ne supporte pas les mats en crosse. Si cela n'était pas consternant, on pourrait en faire un comte d'Alphonse Daudet. La seule consolation dans cette triste affaire, c'est qu'un jour il sera toujours possible, sans grands frais, en conservant les mats réadaptés, d'enlever câbles, tendeurs et lanternes pour rétablir un éclairage central raisonnable et surtout discret, tel qu'il convient à un Cours de réputation internationale dont il faut à tout prix préserver les caractères essentiels. La libre circulation du regard dans la voûte végétale en est un, et non des moindres.

Georges VINDRY, Président de l'Association pour la
Protection des Demeures Anciennes et Paysages Aixois

dans Le Courrier d'Aix du 12 Juin 1999.


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